Pourquoi la carotte sauvage a-t-elle une fleur noire au centre ?

Quand on observe une carotte sauvage (Daucus carota) en fleur, on remarque une grande inflorescence blanche, en forme de parasol légèrement bombé. Mais parfois, au centre exact de cette ombelle, une toute petite fleur noire ou pourpre foncé attire l’œil. Un détail surprenant, d’autant plus qu’il n’est pas toujours présent. Alors, pourquoi certaines carottes sauvages portent-elles cette fleur colorée centrale… et d’autres non ?

Avec fleur centrale

Avec fleur centrale

Dans ce cas précis elle est d’une belle couleur.

Sans fleur centrale

Sans fleur centrale

L’inflorescence est toute blanche.

L’inflorescence de la carotte sauvage est ce qu’on appelle une ombelle composée. Un ensemble de petites ombelles (appelées ombellules) regroupées au bout de rayons partant d’un même point.

Au cœur de cette architecture florale, apparaît souvent une fleur unique, sombre, isolée, et stérile (elle ne produit ni pollen ni fruit). Cette fleur ne fait pas partie d’une ombellule : elle est directement insérée au centre du réceptacle floral principal.

Elle est présente dans la majorité des inflorescences, mais pas systématiquement. Certaines carottes sauvages en fleur ne la portent pas, ce qui renforce l’idée qu’elle n’est pas indispensable à la reproduction, mais qu’elle apporte probablement un avantage.

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs s’interrogent sur la fonction de cette fleur sombre. Plusieurs hypothèses ont été avancées, dont certaines ont été testées expérimentalement.

L’hypothèse du leurre visuel

La plus étudiée suggère que cette fleur noire fonctionnerait comme un leurre visuel. Sa forme et sa couleur évoquent une mouche posée. Pour certains insectes pollinisateurs (notamment les mouches), cela pourrait indiquer que l’inflorescence est riche en nectar, et donc inciter à venir la visiter.

Cette hypothèse a été testée expérimentalement :

  • En 2003, le chercheur Stefan Andersson a comparé des inflorescences avec et sans fleur sombre.
  • Résultat : celles qui en avaient attiraient plus de mouches.
  • L’effet persistait même avec un point noir artificiel, ce qui montre que c’est bien la couleur et la position, plus que l’odeur, qui comptent.

D’autres pistes explorées

Même si le rôle attractif est le mieux documenté, d’autres idées ont été proposées :

  • La fleur centrale pourrait servir de point de repère visuel pour guider les insectes.
  • Elle pourrait jouer un rôle dans le développement ou la synchronisation de l’inflorescence.
  • Elle pourrait produire des composés odorants spécifiques, ou même n’être qu’un résidu d’un programme floral ancestral.

Mais jusqu’à présent, aucune de ces fonctions n’a été prouvée. Ce qu’on sait, c’est que sa présence semble augmenter l’attractivité, mais qu’elle n’est pas indispensable à la reproduction de la plante.

Une stratégie qui rappelle… le maquillage d’autrefois

Même si sa fonction exacte reste incertaine, cette fleur sombre a un effet : elle attire le regard.

Et cette stratégie n’est pas propre au monde végétal. Dans l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles, les femmes (et parfois les hommes) collaient sur leur visage de petites pastilles noires appelées « mouches ».
Placées à la commissure des lèvres, près de l’œil ou sur la pommette, elles avaient pour but de souligner certaines zones du visage et de capter l’attention.
Parfois même, elles servaient de code social ou amoureux, selon leur emplacement.

Il est tentant de voir dans la fleur noire de la carotte sauvage un ancêtre végétal de cette stratégie :

une petite tache sombre sur fond clair, pour guider les regards… et inciter à l’approche.

Publié par PhytoGenfi

Formé à l'école des plantes de Paris, j'ai à coeur de transmettre la passion et le savoir des plantes médicinales. C'est l'objet de mon site

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