Peut-on rater le train du sommeil ?

Le sommeil fascine et intrigue, et de nombreuses théories circulent pour aider à mieux le comprendre et l’optimiser. Parmi elles, l’idée du « train de sommeil » est particulièrement populaire. D’après cette théorie, si on rate un moment propice à l’endormissement, on devrait attendre 90 minutes pour que la prochaine fenêtre d’endormissement se présente. Mais cette croyance repose-t-elle sur des bases scientifiques solides ?

L’origine probable de la croyance

Le terme « train de sommeil » provient à l’origine d’une métaphore scientifique pour décrire la structure du sommeil. Cette notion est directement liée à l’hypnogramme, un graphique qui représente la progression du sommeil au cours de la nuit.

L’hypnogramme met en évidence l’enchaînement des cycles de sommeil, qui durent environ 90 minutes chacun. Ces cycles sont constitués de différentes phases : sommeil lent léger, sommeil profond et sommeil paradoxal. Cette organisation cyclique a donné naissance à l’image du « train », chaque cycle étant considéré comme un « wagon » s’enchaînant tout au long de la nuit.

Manifestement, une confusion s’est installée autour de cette métaphore, conduisant certaines personnes à penser que si l’on rate une « fenêtre » d’endormissement, il faudrait attendre le « prochain train », soit 90 minutes plus tard. Cette interprétation est une déformation du concept scientifique initial.

Pourquoi ce mythe est infondé

  1. L’endormissement est influencé par plusieurs facteurs
    • La pression de sommeil (écart entre l’accumulation d’adénosine et le cycle circadien) dépend surtout du temps d’éveil accumulé, pas d’un cycle rigide.
    • Le rythme circadien, qui suit une périodicité d’environ 24 heures, joue un rôle essentiel dans la probabilité d’endormissement.
    • Les facteurs environnementaux et comportementaux (lumière, activité physique, stress) ont un impact direct sur la capacité à s’endormir.
  2. Manquer un moment de fatigue ne signifie pas attendre 90 minutes
    • La fatigue ressentie peut fluctuer rapidement et ne suit pas un cycle aussi précis.
    • Il est possible de retrouver une opportunité d’endormissement bien avant 90 minutes, en fonction du contexte et des conditions physiologiques.
  3. Une croyance potentiellement performative
    • Croire qu’on a raté son « train » peut induire une anxiété, qui elle-même retarde l’endormissement.
    • Ce phénomène est un exemple classique d’effet nocebo : si on pense qu’on ne peut pas dormir avant 90 minutes, on risque de s’auto-conditionner à cette expérience.
    • Regarder l’horloge en attendant un hypothétique « prochain cycle » peut aggraver l’insomnie.

Une approche plus souple et efficace du sommeil

Plutôt que de suivre un horaire rigide basé sur des cycles ultradiens, il est plus bénéfique d’écouter son corps et d’adopter une bonne hygiène de sommeil :

  • Respecter un rythme régulier : essayer de se coucher et de se lever à des horaires constants.
  • Réduire les stimulations avant le coucher : lumière bleue, écrans, discussions stressantes.
  • Pratiquer la relaxation : respiration profonde, méditation, lecture.
  • Aménager un environnement propice : température fraîche, obscurité, silence.

L’idée du « train de sommeil » est une simplification excessive qui peut induire du stress plutôt que d’aider à mieux dormir. L’origine de cette métaphore repose sur l’hypnogramme et la structure interne du sommeil, mais son interprétation en termes de minutage rigide pour l’endormissement est erronée.

Il est vrai que le sommeil suit des cycles, mais l’endormissement est un phénomène plus flexible qu’on ne le pense.

Plutôt que de se focaliser sur un minutage rigide, mieux vaut écouter ses sensations et favoriser des conditions propices à un endormissement naturel.

Sources

  1. Sur la structure des cycles de sommeil et l’hypnogramme :
    • Kishi, A., Yamaguchi, I., Togo, F., & Yamamoto, Y. (2018). Markov modeling of sleep stage transitions and ultradian REM sleep rhythm. Physiological Measurement.
  2. Sur les cycles ultradiens et leur rôle dans la régulation du sommeil :
    • LaJambe, C. M., & Brown, F. M. (2008). Ultradian Cognitive Performance Rhythms During Sleep Deprivation.
    • Nakari, I., & Takadama, K. (2023). Personalized Non-contact Sleep Stage Estimation with Weighted Probability Estimation by Ultradian Rhythm. IEEE Engineering in Medicine & Biology Society.
  3. Sur l’interaction entre rythme circadien, ultradien et pression de sommeil :
    • Honma, K. (2012). Biological rhythms and sleep. Nihon Rinsho.
    • Phillips, A., Robinson, P., & Klerman, E. (2013). Arousal state feedback as a potential physiological generator of the ultradian REM/NREM sleep cycle. Journal of Theoretical Biology.
  4. Sur l’effet des croyances sur le sommeil et l’effet nocebo :
    • Lim, J., & Stephenson, R. (2024). The role of ultradian rhythms in post-deprivation rebounds and diurnal rhythms of sleep and wakefulness in rats. bioRxiv.

Publié par PhytoGenfi

Formé à l'école des plantes de Paris, j'ai à coeur de transmettre la passion et le savoir des plantes médicinales. C'est l'objet de mon site

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