L’achillée millefeuille a-t-elle un effet progestatif ?

C’est une plante médicinale largement utilisée en phytothérapie, notamment pour ses effets sur la santé féminine. Elle est souvent recommandée pour soulager les douleurs menstruelles, réguler le cycle et atténuer certains troubles liés à la ménopause.

La question qu’on est en droit de se poser est de savoir si l’effet progestatif qu’on lui attribue est vraiment fondé ou s’il s’agit d’une extrapolation de données de la sciences ou de son usage traditionnel.

C’est l’occasion de revenir sur ses propriétés gynécologiques réelles, ses indications avérées et ses limites, afin d’avoir une vision plus claire de son rôle dans la santé féminine.

L’achillée millefeuille et le cycle menstruel : un soutien utérin avant tout

L’achillée est avant tout une plante antispasmodique et anti-inflammatoire. Ses effets sur le cycle menstruel s’expliquent principalement par sa capacité à relâcher les muscles utérins, réduisant de fait les douleurs menstruelles et les contractions excessives. Ce mode d’action est souvent confondu avec un effet progestatif, car la progestérone elle-même a un rôle relaxant sur l’utérus en phase lutéale. Mais, aucune preuve scientifique ne montre que l’achillée stimule directement la production de progestérone.

L’achillée est particulièrement indiquée dans les cas de :

  • Dysménorrhée (douleurs menstruelles) : Elle réduit les crampes grâce à son action sur le myomètre.
  • Ménorragie (règles abondantes) : Ses tanins ont un effet légèrement astringent qui peut modérer les saignements.
  • Règles irrégulières : Bien qu’elle ne régule pas directement les hormones, elle favorise un cycle plus confortable et moins symptomatique.

Que penser des études sur les rongeurs ?

Certaines études menées sur les rongeurs suggèrent une diminution des niveaux de FSH et LH après consommation d’achillée millefeuille, ce qui a conduit à l’hypothèse d’un effet progestatif. Mais, extrapoler ces résultats à l’humain est risqué pour plusieurs raisons :

  • Différences dans les cycles hormonaux : Les rongeurs ont des cycles œstraux courts (4 à 5 jours) contre environ 28 jours chez l’humain. Leur régulation hormonale est donc beaucoup plus rapide et peut être influencée différemment par les substances phytochimiques.
  • Mécanismes de régulation endocrinienne distincts : L’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique des rongeurs présente des particularités qui rendent difficile une transposition directe aux humains.
  • Dosages et métabolisation : Les quantités d’extraits administrées aux rongeurs dans ces études sont souvent bien supérieures aux doses consommées par l’humain sous forme d’infusion ou de complément alimentaire.

Les résultats obtenus chez les rongeurs doivent donc être interprétés avec précaution et ne permettent pas de conclure à un effet hormonal équivalent chez l’humain.

Un effet progestatif à prendre avec prudence

Certains ouvrages attribuent à l’achillée un effet progestatif supposé, en raison de sa concentration en apigénine, un flavonoïde qui peut interagir avec les récepteurs hormonaux.

Mais on peut noter que :

  • L’apigénine a une affinité modérée pour les récepteurs de la progestérone sans en reproduire pleinement les effets.
  • Contrairement au gattilier (Vitex agnus-castus) qui agit directement sur l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien en modulant la prolactine et la progestérone, l’achillée agit avant tout au niveau de l’utérus et de l’inflammation.

L’achillée millefeuille et la ménopause : une aide indirecte

Lors de la ménopause, la baisse des œstrogènes et de la progestérone entraîne divers symptômes tels que les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale et l’anxiété. L’achillée millefeuille peut être un soutien intéressant, notamment pour :

  • Atténuer les bouffées de chaleur grâce à son effet vasodilatateur et antispasmodique.
  • Améliorer le confort digestif, souvent perturbé lors de la transition hormonale.
  • Apaiser l’anxiété et favoriser le sommeil, en raison de ses propriétés relaxantes sur le système nerveux.

Mais son action reste modérée sur l’équilibre hormonal. Pour des troubles hormonaux plus marqués, des plantes comme l’actée à grappes noires ou le trèfle rouge seront plus adaptées.

Les limites de l’achillée millefeuille

Bien que cette plante soit précieuse pour de nombreux troubles féminins, elle ne peut pas être considérée comme un substitut hormonal naturel. Ses limites principales sont :

  • Absence de preuve formelle d’un effet progestatif direct.
  • Efficacité surtout symptomatique et non hormonale.
  • contre-indication : En raison de son action sur l’utérus, elle est déconseillée pendant la grossesse.

Une plante utile mais pas une hormone naturelle

L’achillée millefeuille est une plante gynécologique précieuse, particulièrement indiquée pour soulager les douleurs menstruelles, réguler les règles abondantes et accompagner la ménopause. Toutefois, son effet progestatif supposé est largement exagéré. Son action repose principalement sur ses propriétés antispasmodiques, anti-inflammatoires et vasodilatatrices, ce qui la rend utile pour améliorer le confort féminin, mais pas pour moduler directement les hormones.

L’achillée millefeuille est une alliée du bien-être menstruel et ménopausique, mais elle ne remplace pas un véritable traitement hormonal ou des plantes spécifiquement progestatives comme le gattilier.

Références Scientifiques

  • Al-Imari, M. A. J. (2012). Effects of Achillea Millifolium extract consumption by pregnant mice on pregnancy outcome and reproductive system of their female offspring.
  • Eker, A., Özdengül, F., Yargic, M., & Şen, A. (2022). Effects of Achillea Millefolium Extract on Spontaneous and Oxytocin-Induced Isolated Rat Uterine Contractions.
  • Benedek, B., Kopp, B., & Melzig, M. (2007). Achillea millefolium L. s.l. — is the anti-inflammatory activity mediated by protease inhibition?. Journal of Ethnopharmacology.

Publié par PhytoGenfi

Formé à l'école des plantes de Paris, j'ai à coeur de transmettre la passion et le savoir des plantes médicinales. C'est l'objet de mon site

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