Analyse d’une production locale d’huiles essentielles

Lors de mon passage dans les Vosges, j’ai pu m’arrêter chez un producteur local d’huiles essentielles. L’occasion pour moi de regarder d’un peu plus près les huiles et plantes produites.

Avant d’aller plus loin, je précise que j’ai acheté tous les produits testés, ce n’est donc pas un article sponsorisé. Toutefois je remercie vraiment toutes les personnes qui travaillent dans cette production pour la qualité de leur accueil et le temps qu’elles m’ont consacré pour répondre à mes questions et me fournir les analyses chimiques quand je les demandais.

De manière générale, c’est plutôt une bonne chose que de regarder du côté des productions locales car on y trouve des plantes qui poussent naturellement dans la région ce qui est parfois un atout. Mais il ne faut pas tomber dans le mythe du « petit producteur » tout beau tout rose, il est important de garder un certain recul pour évaluer en toute objectivité la qualité de ce qui est produit et ne pas acheter les yeux fermés.

La production en question est la ferme du bien-être. J’ai eu la chance d’assister à une distillation, en l’occurence celle de la mauve. Elle ne donne pas d’huile essentielle mais un hydrolat.

Un petit diaporama de ma visite :

Puisque nous sommes dans les Vosges je m’attends à voir essentiellement des résineux et c’est le cas. Sur leur présentoir, les résineux sont majoritaires et côtoient d’autres huiles toutes aussi intéressantes mais pas forcément issues de plantes locales . Le présentoir n’est pas énorme mais cohérent avec une production locale. On y trouve une trentaine de références.

Alors que je regarde avec intérêt ce présentoir, mon oeil est attiré par un flacon de laurier noble. Du laurier noble dans les Vosges, je suis surpris… Non pas que le laurier noble ne puisse y pousser, car il pousse facilement un peu partout, mais surtout à cause du fait que chimiquement parlant, les meilleures huiles de laurier noble sont celles issues de lauriers cultivés autour du bassin méditerranéen. C’est ce que j’explique dans ma vidéo sur le sujet.

Je prends le testeur pour le sentir… L’odeur n’est pas au rendez-vous ! Je fais part de ma surprise de voir du laurier noble et on me dit que ce n’est pas une production locale, c’est un laurier noble qui provient de Hollande (donc encore plus loin du bassin méditerranéen ) et qu’ils distillent pour les producteurs. En échange ils vendent quelques flacons. Je reste dubitatif sur la qualité du laurier noble, je demande à voir l’analyse chimique qui confirme mon ressenti. Le taux d’oxyde (1,8 cinéole) est en dessous du minimum qu’on est en droit d’attendre pour un laurier noble de qualité thérapeutique. Il pourra dépanner faute de mieux, mais à acheter en connaissance de cause.

La menthe poivrée me fait vite oublier cette petite déception. Rien qu’à l’odeur on sent qu’on a affaire à une bonne huile essentielle de menthe poivrée. L’odeur mentholée est vraiment présente et agréable. Là encore je demande l’analyse chimique qui confirme un bon taux de menthol et de menthone, je la trouve vraiment bien équilibrée aussi bien sur le papier qu’en olfaction. Je l’ajoute à mon panier sans aucune hésitation et si jamais vous passez par là-bas ou commandez sur leur site, vous pouvez l’acheter les yeux fermés.

Vosges oblige, je me concentre maintenant sur les résineux. Mon objectif premier était d’acheter 3 résineux du coin pour les analyser à tête reposée. Mon choix se porte sur :

  • le sapin des Vosges (un sapin blanc), Abies alba
  • le pin sylvestre, Pinus sylvestris
  • le cyprès, Cupressus sempervirens

Le sapin des Vosges

L’odeur est clairement celle du sapin. Une odeur riche en monoterpènes. L’analyse chimique montre clairement une dominance du limonène (38,95%), puis de l’alpha-pinène (25,16%), du camphène (10,31%) et enfin du bêta pinène (2,77%)

Le sapin blanc n’est pas forcement une huile très utilisée en aromathérapie, néanmoins, c’est une huile qui trouvera facilement sa place dans une synergie à visée respiratoire, aussi bien contre les infections que pour assainir l’air, ou des synergies à visée antalgique contre les rhumatismes et l’arthrose par exemple. C’est une huile qu’il faudra impérativement diluer pour éviter tout problème cutané.

Le limnoène et le camphène lui donnent ses propriétés anti-infectieuses et anti-inflammatoires des voies respiratoires.

Les alpha et bêta pinènes lui donnent ses propriétés antalgiques.

En résumé c’est une bonne huile essentielle, elle m’a beaucoup plu, même si elle n’est pas forcément facile d’emploi. C’est une huile qui demande un peu de connaissance pour être pleinement exploitée, mais elle s’intègre facilement dans une synergie à visée respiratoire (entre 10 et 20%) ou s’utilise plus facilement en diffusion. Son odeur est vraiment très agréable. Si cette huile vous intéresse n’hésitez pas. Et si vous souhaitez juste la découvrir, elle est vendue en flacon de 5ml ce qui peut être une bonne occasion pour la tester.

Le pin sylvestre

Autre huile au tropisme respiratoire, le pin pourrait être employé comme l’huile de sapin des Vosges. C’est-à-dire dans une synergie à visée respiratoire ou en diffusion pour assainir l’air. Elle peut également trouver sa place dans les synergies visant à réduire les douleurs rhumatismales. C’est également une huile pouvant agir sur le système hormonal, mais il est préférable de l’utiliser sous le contrôle d’une personne compétente. De toute façon, je ne vais pas détailler les propriétés de l’huile essentielle, mais plutôt évaluer sa qualité. Notamment grâce à l’analyse chimique qui m’a également été fournie pour cette huile.

L’analyse révèle un taux d’acétate de bornyle très bas. En général on en attend entre 4 et 10%, là il y en a moins de 0,1%. Mais comme ce sont surtout les monoterpènes (les alpha et bêta pinènes qui représentent à eux seuls plus de 50% du mélange et le limonène) qui lui donnent ses propriétés respiratoires et toniques, dans l’absolu ce n’est pas trop grave. Elle risque juste d’être un peu plus dermocaustique, la présence d’une quantité significative d’esters aurait adouci la chose. Et un peu plus hypertensive, puisque l’huile essentielle de pin sylvestre est naturellement hypertensive. C’est donc une huile qui pourra s’utiliser parfaitement dans les synergies à visées ORL et tonique général. On l’utilise normalement contre les douleurs rhumatismales mais l’absence d’esters va réduire l’effet antalgique du couple ester/limonène. Donc à n’utiliser dans cet axe là qui si on n’a pas mieux.

Ici on touche du doigt l’importance de connaître et comprendre les familles chimiques qui permet de ne pas forcement exclure une huile essentielle sous prétexte qu’elle ne satisferait pas les taux attendus de telle ou telle molécule. Car si la signature chimique est différente de celle attendue, ça signifie seulement qu’on ne peut pas l’utiliser comme prévu. Mais elle peut se montrer efficace sur d’autre axes thérapeutiques. Dans le cas présent la signature chimique de cette huile de pin sylvestre permet de conclure que c’est une bonne huile à visée respiratoire. Utile dans les cas d’affections touchant les muqueuses respiratoires notamment. Et objectivement on utilise le pin sylvestre surtout pour ses propriétés respiratoires et toniques. Elle fera donc très bien le job ! Dans le cas du laurier noble c’était différent puisque les oxydes sont importants pour la qualité du laurier noble.

Coté précaution d’emploi il est indispensable de la diluer pour éviter tout problème cutané compte tenu de sa dermocausticité.

En résumé c’est une huile que je peux conseiller à l’achat si on la limite à ses propriétés toniques et respiratoires, ce qui est généralement le cas pour le pin sylvestre. Son odeur est agréable et elle pourra parfaitement intégrer une synergie dédiée à la diffusion pour assainir et parfumer l’air ambiant.

Je la déconseille par contre en cas d’hypertension.

Le cyprès

Je n’ai malheureusement pas pu avoir l’analyse chimique de cette huile essentielle car elle était justement en cours. Normalement je dois la recevoir par mail quand elle sera disponible. J’attendrai donc de la recevoir pour donner un avis définitif. Ce que je peux en dire, au niveau de l’étiquette on mentionne les 3 composés principaux, à savoir :

  • l’alpha-pinène
  • le delta3 carène
  • Le germacène

A ce stade on peut se dire que l’huile semble conforme à ce qu’on attend, mais il est toujours intéressant de connaître la quantité de cédrol, qui est un sesquiterpénol, qui doit être la plus faible possible.

Au niveau couleur et odeur tout est ok, l’odeur est vraiment agréable, je la trouve plutôt bien équilibrée.

Mon premier ressenti est plutôt positif sur cette huile.

En résumé

On a clairement affaire à des personnes sérieuses et agréables, ce qui donne confiance. Le fait d’avoir mis le distillateur visible de la boutique rassure. La boutique est vraiment super agréable, on y trouve des produits de qualité et l’offre est grande. On y trouve des plantes sèches, des hydrolats, des huiles essentielles, des macérats huileux, des savons, de bonnes choses à manger comme des confitures ou des pestos faits avec des plantes.

Le seul vrai point de réserve est sur le laurier noble, pour le reste je pense sincèrement que c’est un producteur chez qui vous pouvez commander sans crainte. Je suis vraiment content des huiles que j’ai achetées, avec un vrai coup de coeur pour leur menthe poivrée.

J’ai également acheté des plantes et des macérats huileux dont je ne parlerai pas ici mais qui dégagent la même impression de qualité.

Publié par PhytoGenfi

Formé à l'école des plantes de Paris, j'ai à coeur de transmettre la passion et le savoir des plantes médicinales. C'est l'objet de mon site

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