Nous n’avons pas toutes et tous le même rapport aux odeurs des huiles essentielles. Par exemple, il n’est pas rare que pour certaines personnes l’odeur de la lavande incommode plus qu’elle n’apaise. Et il est indispensable d’en tenir compte lorsqu’on souhaite réaliser une synergie à visée relaxante et apaisante contenant des huiles aux odeurs fortes comme la lavande. D’où l’importance de toujours avoir des stratégies de remplacement.
Dans cet article, je vous explique pourquoi il est possible de remplacer la lavande (Lavandula angustifolia) par le petit grain bigaradier (Citrus aurantium ssp amara) lorsque la lavande n’est pas supportée. Je ne détaillerai pas chacune des huiles, je me limiterai à ce qu’il est nécessaire de savoir pour comprendre ce qui va suivre.
Propriétés principales
Ces 2 huiles ont les propriétés principales suivantes :
- relaxantes et sédatives
- antispasmodiques
- cicatrisantes
- antalgiques
- anti-infectieuses modérées
Le petit grain bigaradier est notamment reconnu pour être équilibrant du système nerveux.
On pourrait limiter notre raisonnement au fait de se dire que ces 2 huiles sont relaxantes et sédatives pour justifier ce remplacement, et objectivement ça suffirait comme raisonnement. Mais il est plus intéressant d’analyser pourquoi ces 2 huiles aux odeurs si différentes sont finalement très proches l’une de l’autre. Un occasion d’aller un peu plus loin dans la compréhension des huiles essentielles par une simple analyse de leur composition.
Analyse des compositions chimiques
L’aromathérapie scientifique se base en grande partie sur la relation structure/activité des molécules composant les huiles essentielles. C’est-à-dire qu’il est possible de déterminer la propriété d’une molécule en regardant sa structure. On peut ainsi classer les molécules en familles biochimiques, chaque famille regroupant les molécules de structure similaire. On trouve par exemple la famille des monoterpènes, la famille des alcools monoterpéniques, la famille des phénols, des esters, des cétones, etc.
Dans le cas qui nous intéresse on constate que les deux huiles sont composées de deux familles chimiques principales :
- les esters
- 50 à 55% pour la lavande fine
- 50 à 70% pour le petit grain bigaradier
- les monoterpénols (ou alcools monoterpéniques)
- 40 à 45% pour la lavande fine
- 30 à 40% pour le petit grain bigaradier
Ces deux familles chimiques représentent donc presque la totalité des composés de ces deux huiles. On gardera à l’esprit que les chiffres donnent un ordre de grandeur, les valeurs pouvant varier d’une récolte à l’autre, voire même d’un ouvrage de référence à l’autre.
Les esters sont des molécules apaisantes, relaxantes, sédatives, équilibrantes, antispasmodiques : des molécules qui agissent sur le système nerveux pour ramener un état de calme. C’est une famille très importante à connaître en aromathérapie. Quand une huile contient cette famille on peut être assuré qu’elle apportera un côté calmant. Les molécules appartenant à cette famille ont des nom faciles à reconnaître car ils sont construit sur le même schéma : XXXXXate de XXXXXyle. Par exemple acétate de linalyle, angélate d‘isoamyle, benzoate de benzyle etc.
Les monoterpénols appelés aussi alcools monoterpéniques sont des molécules plutôt anti-infectieuses. C’est une famille également très importante de l’aromathérapie car on utilise beaucoup les huiles essentielles pour soigner des maladies infectieuses. Les monoterpenols sont d’un usage plus facile que d’autres molécules anti-infectieuses comme les phenols, plus délicats d’emploi. Les molécules appartenant à la famille des monoterpénols on des noms qui finissent en « ol ». Mais il faut faire attention car c’est aussi le cas des phénols. Il faudra donc toujours faire preuve de vigilance avec les noms se terminant en « ol ».
Si ces deux huiles contiennent des molécules de la même famille, on peut donc intuiter qu’elles auront des propriétés similaires. Et on aurait raison ! Mais la similitude ne s’arrête pas aux familles, car majoritairement les deux huiles contiennent les mêmes molécules, à savoir :
- Le linalol pour la famille des monoterpénols
- L’acétate de linalyle pour les esters
Les graphes ci-dessous illustrent ces comparaisons.


Ce constat pourrait surprendre compte tenu du fait que leurs odeurs respectives sont bien différentes. Mais ça permet de comprendre que finalement l’odeur d’une huile essentielle ne dépend pas toujours des molécules majoritaires et que la différence peut se faire sur les quelques pour cent apportés par une ou des molécules particulières.
Ces deux huiles sont donc parfaitement interchangeables en cas de besoin, ou simplement par goût ou préférence. Cette similitude repose grandement sur le fait que les esters et les monoterpénols sont largement majoritaires dans les deux huiles.
Ce cas d’école est intéressant pour comprendre l’importance de connaître les principales familles chimiques (une dizaine ou une quinzaine suivant notre motivation) car ça nous libère vraiment de la bobologie basée sur des recettes qui nous obligent à posséder un grand nombre d’huiles essentielles pour traiter un maximum de cas. Alors qu’une compréhension des familles chimiques apporte un degré de liberté supplémentaire en limitant notre choix à quelques huiles essentielles pour composer notre trousse d’aromathérapie et raisonner par équivalence si besoin.
L’occasion de voir ou revoir ma vidéo sur comment réaliser sa trousse d’aromathérapie minimaliste :